Alors que Jack Doohan prend place dans l’équipe Alpine F1 en 2025, remplaçant Esteban Ocon, il fait face au défi redoutable de prouver sa valeur dans la compétition la plus prestigieuse du sport. Depuis l’émergence de stars comme Lando Norris, George Russell et Alex Albon en 2019, deux catégories claires de pilotes F1 débutants se sont cristallisées. Il y a ceux qui semblent destinés à la grandeur dès le début de leur carrière junior et ceux qui accèdent au sport grâce à un soutien financier ou à leur persévérance, mais la trajectoire de Doohan ne s’inscrit pas proprement dans l’une ou l’autre.
Des pilotes comme Oliver Bearman, Yuki Tsunoda, Mick Schumacher et Oscar Piastri – qui, à tous égards, aurait dû perdre le titre F3 2020 au profit de Logan Sargeant avant une collision malheureuse – appartiennent au premier groupe, faisant irruption en F1 avec des carrières juniors impressionnantes. Puis il y a le groupe qui inclut Zhou Guanyu, Nicholas Latifi et Nikita Mazepin, dont le succès doit plus à un soutien financier qu’à un talent brut.
Cependant, Jack Doohan ne se classe pas facilement dans ces classifications. Il n’est certainement pas un « pilote payant », malgré son père célèbre, le légendaire pilote de MotoGP Mick Doohan. Mais les résultats de la carrière junior de Jack n’étaient pas non plus époustouflants, le laissant souvent dans la catégorie des « presque hommes » de la F1 – des pilotes qui flirtaient avec le sommet du sport mais n’y parvenaient pas tout à fait. Des talents notables comme Callum Ilott, Robert Shwartzman et Felipe Drugovich, malgré leurs réalisations, se sont retrouvés coincés aux marges de la F1 pour les mêmes raisons.
La carrière de Doohan en F2 s’est conclue par une troisième place au classement général, et bien que cela soit impressionnant, ce n’était pas suffisant pour en faire un prétendant certain pour la F1. Contrairement à Bearman, qui a déjà remporté deux titres en cinq saisons, Doohan n’a pas encore décroché de titre de champion. Dans la F1 moderne, une carrière junior de sept ans sans victoire au championnat ne crie généralement pas « matériel de promotion ».
Cependant, Doohan est sur le point de devenir le 777e pilote de l’histoire de la F1 en 2025. Cela soulève la question : peut-il se forger une carrière réussie en F1 malgré l’absence d’un palmarès junior éclatant comme certains de ses pairs ?
Son ascension présente des similitudes avec celle de Nyck de Vries, qui a remporté la F2 lors de sa troisième saison mais n’était pas fortement médiatisé avant cela. De Vries a finalement obtenu un siège à temps plein en F1 après des années d’essais, mais son mandat a été de courte durée, puisqu’il a été lâché par AlphaTauri en 2023 après une seule saison. Doohan pourrait-il connaître un sort similaire, ou peut-il briser le moule ?
Un élément en faveur de Doohan est le kilométrage considérable qu’il a accumulé avec Alpine, tant lors des essais que des séances d’entraînement libres. Depuis 2021, Doohan a piloté des voitures de F1 contemporaines pour Alpine lors de six séances d’entraînement libres et de nombreux essais privés. Ce temps de piste lui a permis de bien se familiariser avec les opérations et les attentes de l’équipe, ce qui pourrait lui donner un avantage lorsqu’il fera enfin ses débuts à temps plein.
Alpine a investi massivement dans le développement de Doohan, et il est intégré dans leur académie de pilotes depuis plusieurs années. Cette stabilité et cette préparation pourraient être cruciales alors que l’équipe cherche à remonter dans les rangs compétitifs. Contrairement aux attentes élevées qui ont été placées sur des pilotes comme Mick Schumacher et Logan Sargeant, qui ont finalement eu du mal à laisser une empreinte durable en F1, l’entrée relativement discrète de Doohan pourrait lui permettre de prospérer sans le poids écrasant des attentes.
Le directeur d’équipe James Vowles a adopté une approche plus mesurée avec ses pilotes, reconnaissant la nécessité d’une préparation approfondie avant de les plonger dans le grand bain. En parlant du pilote junior de Williams, Franco Colapinto, Vowles a souligné l’importance de donner aux pilotes suffisamment de temps dans des voitures historiques et des simulateurs modernes pour les préparer pleinement aux rigueurs de la F1 – une leçon tirée des difficultés de Sargeant et des débuts chaotiques de Tsunoda. Cette philosophie bénéficiera sans aucun doute à Doohan alors qu’il transitionne vers sa carrière en F1 avec Alpine.
Doohan n’a peut-être pas les titres ou le pouvoir d’attraction instantané de ses pairs, mais il représente une rupture avec le moule typique des rookies de F1. Avec un processus de préparation plus méthodique et mesuré à son actif, il a le potentiel de définir une nouvelle norme pour les pilotes qui prennent un chemin plus long et moins conventionnel vers la F1. Si le développement attentif de Doohan par Alpine porte ses fruits, il pourrait devenir un modèle pour les futurs « épanouissements tardifs » qui ne correspondent pas à la trajectoire traditionnelle mais qui ont toujours ce qu’il faut pour rivaliser au plus haut niveau.
En fin de compte, bien que le parcours de Jack Doohan vers la F1 ait été peu conventionnel, il pourrait bien être le chemin qui le mène au succès. Alpine a fait tout ce qu’il fallait pour le préparer, et maintenant c’est à Doohan de tirer le meilleur parti de cette opportunité et de prouver qu’il a sa place sur la plus grande scène du sport automobile.